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L’auto-entreprise : un salariat qui ne dit pas son nom ?

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Publié le 01/24/2018
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1ère Affaire (Cass. Crim. 10 janvier 2017, n°15-86.580)

Le premier cas est révélé au juge par une visite inopinée d’inspecteurs de l’URSSAF dans les locaux d’une librairie parisienne. Y est constatée la présence de plusieurs personnes, toutes en situation de travail. Toutes sont à l’origine stagiaires, ou auto-entrepreneurs travaillant exclusivement au sein de la librairie. Trois d’entre elles ont depuis peu signé un contrat de travail, la dernière travaillant toujours sous le régime de l’auto-entreprise. Ces personnes se substituent à d’anciens employés, liés à la librairie par un contrat de travail. Les inspecteurs relèvent, au surplus, que ces entrepreneurs d’un nouveau genre travaillaient selon des horaires et des fonctions définies par la société.

2ème Affaire (Cass. 2ème Civ., 24 mai 2017, n°15-28.439)

Dans une autre affaire, un Tribunal des affaires de sécurité sociale a pu considérer que devaient intégrer l’assiette des cotisations sociales les sommes versées à des auto-entrepreneurs vis-à-vis desquels était caractérisé un lien de subordination. En effet, la Cour d’appel de Toulouse a considéré que la société « avait sur les auto-entrepreneurs le pouvoir de leur donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner leurs manquements. » En d’autres termes, un lien de subordination unissait les parties, ce lien constituant, avec l’existence d’une prestation et d’une rémunération, les critères de reconnaissance d’un contrat de travail unissant des parties.

3ème Affaire (Cass. Soc., 26 avril 2017, n°14-23.392)

Dans la dernière affaire, un auto-entrepreneur avait été lié par trois contrats de prestation de services à une société, cette dernière ayant décidé de rompre les relations quelques années plus tard. Saisissant la juridiction prudhommale afin de faire reconnaître l’existence d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse déguisée, le demandeur s’était vu opposer une fin de non-recevoir, par la voie d’un contredit de compétence. La Cour d’appel saisie ensuite avait non-seulement fait droit aux prétentions de l’auto-entrepreneur, mais avait de surcroît condamné la société au paiement de dommages-intérêts, ainsi qu’au versement d’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés.

Dans les trois cas cités, la chambre criminelle, la deuxième chambre civile et la chambre sociale ont reconnu, dans des termes différents mais par une solution convergente, l’existence d’un contrat de travail.

La présomption d’indépendance des auto-entrepreneurs, assimilés aux travailleurs indépendants, qui est énoncée par l’article L8221-6, s’efface donc devant une preuve contraire, ou face à un faisceau d’indices, comme le prouvent les faits des affaires en cause.

De tels faits sont susceptibles d’un traitement pénal, à l’instar du premier cas cité. Le juge répressif a en l’espèce caractérisé l’existence d’un travail dissimulé, infraction passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende – 225 000 euros pour une personne morale-, au visa des articles L.8224-1 et suivants du Code du travail.

Les sanctions encourues sont aussi d’ordre fiscal, l’entreprise pouvant faire l’objet d’un redressement fiscal, visant au recouvrement des cotisations sociales dues au titre des contrats de travail.

En somme, le droit du travail, matrice des conséquences administrative, fiscale et pénale, fait montre d’une ductilité qui prouve, si besoin était, sa faculté d’adaptation à un monde économique qui connaît une révolution des relations de travail, communément identifiée sous le terme « d’uberisation ». De là à considérer qu’il est nécessaire que le droit du travail conserve une certaine épaisseur, il n’y a qu’un pas qu’il appartient, ou non, au politique de franchir.

Visuel article - Bruzzo Dubucq

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