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Employeur et adultère : analyse de la jurisprudence

Publié le 03/01/2020
4 minutes

Le salarié reste sous l’autorité de son employeur même lorsqu’il trompe sa femme avec une inconnue !

CA Paris, 17.05.2019, RG n° 16/08787

 

Aussi cocasse que peut paraitre cette solution la Cour d’Appel de Paris a du répondre à une question bien cornélienne en droit du travail : Le décès du salarié en déplacement professionnel, survenu lors d’un rapport sexuel hors de la chambre d’hôtel réservée par l’employeur peut-il être qualifié d’accident du travail ?

 

Pour les faits : L’histoire remonte à 2013. Un technicien de sécurité est en déplacement professionnel, dans le centre de la France.  Il doit passer la nuit sur place. Il en profite pour aller passer du bon temps chez une femme, quand il est victime, en plein acte, d’une crise cardiaque. L’homme meurt sur le coup.

 

L’état du droit :

Par principe, le salarié en déplacement professionnel, il reste sous l’autorité de son employeur. Dès lors, l’accident d’un salarié en mission est présumé être un accident du travail au sens de L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale s’il survient à l’occasion :

  • d’un acte professionnel ( crise cardiaque chez un client)
  • ou d’un acte de la vie courante ( décès dans la chambre d’hôtel)[1].

L’employeur peut toutefois échapper à cette qualification s’il prouve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel (Cass. civ. 2, 1er juillet 2003, n° 01-13.433)

 

La décision :

En l’espèce, l’employeur contestait la position émise par la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), avalisée par le tribunal et soutenait au contraire que la mort de son ex-salarié « est survenue alors qu’il avait sciemment interrompu sa mission pour un motif uniquement dicté par son intérêt personnel, indépendant de son emploi ».

Cependant, l’employeur ne pouvant pas fournir l’emploi du temps précis auquel le salarié devait se tenir, il ne rapportait pas la preuve que le décès était survenu alors que le salarié n’était plus « soumis à des obligations professionnelles précises ».

Dès lors, la Cour d’appel de Paris s’est conformée à l’avis de la CPAM en rappelant que « le rapport sexuel est un acte de la vie courante ».

En tout état de cause, la cour pointe notamment que le salarié effectuant une mission a droit à la protection prévue par l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel.

 

L’analyse :

Cependant, Maître Sarah Balluet (spécialiste en droit social) émet quelques réserves sur cette décision  car elle s’articule autour des notions de  « déplacement professionnel » – qui n’est pas définie par le code du travail – et d’ « accident du travail », à l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale qui dispose que « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».

Enfin, Maître Sarah Balluet confie son inquiétude : « Cet arrêt étend très largement la notion d’accident du travail dans un sens qui ne me paraît pas justifié eu égard aux critères précédemment posés par la Cour de Cassation.

 

Si :

  • le fait de se livrer à une relation sexuelle
  • avec une personne tierce à l’entreprise, sans lien avec l’entreprise qui emploie le salarié,
  • dans un lieu tiers qui n’est pas la chambre d’hôtel réservée par l’employeur à son salarié pendant sa mission professionnelle
  • sur un temps étranger à l’exécution de la prestation de travail
  • pour des besoins qui sont sans lien avec l’exécution de la prestation de travail
  • dans un cadre qui n’a pas été imposé par l’employeur, sur lequel l’employeur ne peut exercer son contrôle
  • sur un temps qui n’est pas rémunéré comme du temps de travail effectif

 n’est pas considéré comme un acte dicté par l’intérêt personnel du salarié, quel type d’acte pourrait encore échapper à la qualification d’accident du travail lorsque le salarié est en déplacement professionnel ? 

Et si la Cour de cassation confirme que ce type d’acte est régi par la législation sur les accidents du travail, peut-être les employeurs devront-ils désormais amender les fiches de poste de leurs salariés pour leur interdire de se livrer à des activités sexuelles sur leurs temps de repos pendant les missions professionnelles ? Ce qui manifestement constituerait une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales du salarié ! A méditer donc…. »

Par Audrey NERUCCI

 

[1] Cass. soc., 19 juill. 2001, n° 99-20.603, n° 4126 FS – P + B + R + I : Bull. civ. V, n° 285 et Cass. soc., 19 juill. 2001, n° 99-21.536, n° 4117 P + B + R + I : Bull. civ. V, n° 285.

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